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Piloter la fermentation malolactique pour mieux maîtriser la qualité des vins
Piloter la fermentation malolactique pour mieux maîtriser la qualité des vins
Publiée le 28/11/2018 16:29
Enological Consulting Microbiology

L’inoculation des moûts avec des bactéries lactiques sélectionnées permet de contrôler le démarrage de la FML. A la clef, une baisse de l’acidité du vin et une plus grande stabilité. Mais aussi, ce qui est moins connu des vinificateurs, une modification de son profil aromatique. Cette pratique comparable à l’ensemencement en levures pour la fermentation alcoolique se développe.

La vinification des vins rouges, et accessoirement des vins blancs et rosés, repose sur deux fermentations : la fermentation alcoolique qui, par l’action des levures, transforme le sucre en alcool  et favorise l’expression aromatique des vins; puis la fermentation malolactique (FML) au cours de laquelle des bactéries dégradent l’acide malique en acide lactique. Cette dernière, systématiquement recherchée dans les rouges où elle favorise l'intégration des tanins et donne de la souplesse au vin, ne se fait pour les blancs et les rosés qu’en fonction de leur degré d’acidité. « Traditionnellement la fermentation malolactique n’a pas cours en régions méridionales où les vins blancs sont faiblement acides, explique Francine Vidal, chef de produits bactéries et levures chez Lallemand Œnologie, l’un des leaders mondiaux des biotechnologies dédiées à l’œnologie. Elle se fait en revanche quasi systématiquement sur les blancs en Bourgogne et en Champagne, et selon les millésimes en Alsace et dans le Val-de-Loire. »

 

Deux facteurs essentiels pour la FML : l’acidité du vin et la température de fermentation

 

La « malo » permet de désacidifier le vin et de le stabiliser. « Les bactéries lactiques contenues naturellement dans le vin dégradent spontanément l’acide malique. Elles sont très présentes dans les vins rouges, beaucoup moins dans les vins blancs plus acides », note Vincent Gerbaux, ingénieur œnologue microbiologiste à l’Institut français de la vigne et du vin à Beaune (21).

Reste que la fermentation malolactique par des bactéries indigènes est aléatoire. Elle dépend du niveau d’acidité du vin et de la température de fermentation. « Quand le PH du vin est supérieur à 3,4 la flore indigène en bactéries lactiques est assez riche même si elle est variable d’une cuve à l’autre, d’un millésime à l’autre. Mais pour que la malo se déclenche il faut une température en cave comprise entre 16 et 20 degrés. En dessous de 12 degrés la fermentation n’a pas lieu spontanément, il faut alors souvent attendre le printemps » souligne Francine Vidal.  Ainsi « il n’est pas rare en Bourgogne que les blancs n’aient toujours pas démarré leur malo six mois après la vendange, constate de son côté Vincent Gerbaux. Et pour les rouges dans le Beaujolais il est important que les fermentations alcoolique et malolactique soient réalisées en même temps de façon à ce que les vins puissent être commercialisés en primeur. »

 

Contrôler la FML par la co-inoculation

 

D’où l’importance de maitriser la chronologie des process en provoquant la FML par ensemencement de bactéries comme on le fait avec les levures pour la fermentation alcoolique. « En Champagne, où les vins sont très acides et les températures plutôt froides, on utilise cette technique depuis le milieu des années 80, qui s’est ensuite développée en Allemagne , en Suisse puis en Bourgogne », insiste Francine Vidal.  

Le contrôle de la FML permet également de mieux stabiliser le vin. « Une FML réalisée précocement permet d’éviter certaines altérations du vin et notamment le développement des Bretts» avertit Vincent Gerbaux. Ces levures du genre Brettanomyces qui peuvent se développer avant que la fermentation malolactique ne s’enclenche sont en effet responsables des mauvais gouts d'encre, de cuir, de sueur ou d'écurie.

« L’ensemencement avec des bactéries sélectionnées se développe depuis une vingtaine d’années mais c’est une pratique encore méconnue par certains vignerons, affirme Francine Vidal. Elle se pratique de deux façons. D’abord par co-inoculation en ajoutant les bactéries unou deux jours après l’addition  des levures directement sur les moûts. La fermentation alcoolique va rapidement faire disparaitre les sucres évitant ainsi le risque de développement d’acide acétique par les bactéries. Initiée sur les vins blancs notamment en Champagne, la co-inoculation se développe aujourd’hui sur les rouges et concerne environ 30% des vins en France mais 50% en Espagne. Cette pratique fait de moins en moins peur et commence de faire partie des mœurs vinicoles. L’autre méthode est l’inoculation séquentielle : l’ensemencement des bactéries a lieu après la fermentation alcoolique. »

 

L'influence de la FML sur le profil aromatique et organoleptique des vins

 

Inconnue des vignerons  jusqu’au début des années 60, la fermentation malolactique n’a pas encore livré tous ses secrets. « Le métabolisme des bactéries lactiques est complexe et ne se limite pas à la seule dégradation de l’acide malique, assure Francine Vidal.  On s’est notamment aperçu  grâce à nos études que certaines de nos bactéries sélectionnées pouvaient aussi contribuer au profil aromatique du vin en lui apportant des notes plus épicées, fleuries, fruitées en modifiant la perception de son astringence, en lui donnant de la rondeur. » La « malo »modifie le profil organoleptique du vin confirme Vincent Gerbaux. « Elle augmente son gras et lui donne une texture plus soyeuse avec des notes de beurre frais, mais attention elle peut également parfois lui conférer des arômes de yaourt et réduit les arômes primaires de fruits. C’est ce qui explique que certains vignerons souhaitent bloquer cette fermentation sur les blancs (par abaissement de la température ou ajout de dioxyde de soufre, ndlr) afin de conserver au vin fraicheur et vivacité. »  

Le contrôle  de ces notes « lactées » semble s’affiner grâce à la sélection de bactéries  « faiblement productrices » lactées et la pratique de la co-inoculation .

Toutes ces fonctionnalités font que le contrôle de la FML par l’inoculation de bactéries sélectionnées devrait rapidement rejoindre l’ensemencement des mouts en levures au rayon des outils technologiques de la viticulture contemporaine. Avec à la clef une garantie desprofils sensoriels des vins , de qualité et de régularité accrus.

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