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Limiter l'impact du Mildiou pendant les vinifications
Limiter l'impact du Mildiou pendant les vinifications
Publiée le 07/08/2018 15:14
Viticulture

Le mildiou fait des ravages cette année dans le vignoble français. La production risque d’être fortement réduite. En outre, en cas d'attaques significatives, la qualité aromatique des vins peut être altérée. Le travail de vinification doit donc respecter certaines contraintes pour préserver la qualité des vins.

Du jamais vu ou presque. Les vignobles français ont subit une pression de mildiou exceptionnelle. Parmis eux, le vignoble méridional est particulièrement affecté par la maladie. La situation est exceptionnellement marquée dans le bassin viticole du Languedoc et du Roussillon. La préfecture de Région Occitanie évoque ainsi une « pression inédite du mildiou (…) d’une virulence hors norme » qui impactera les prévisions de récolte.

« C’est du jamais vu, affirme même Jacques Rousseau, responsable des services viticoles à l’Institut coopératif du vin (ICV) à Montpellier. Nous avons connu un véritable climat tropical en mai et juin avec des orages et des pluies quotidiennes, des températures élevées autour de 25 degrés celsius et une humidité de l’air très élevée, proche de 100 % en permanence. »  En outre le vent qui a soufflé durant cette période a considérablement limité l’efficacité des traitements, constate Hélène Teixidor, directrice du secteur Pyrénées-Roussillon de l’ICV à Perpignan. Des conditions idéales donc pour le développement du champignon.

Vendange 2018 : le risque d'une baisse de récolte

 

 « La maladie a pu être contenue dans la majorité des situations mais les dégâts sont notables, avec une forte hétérogénéité d’intensité allant jusqu’à des pertes totales », précise la préfecture à Toulouse, et « le mildiou reste actif (fin juillet, ndlr) dans de nombreux secteurs, sur les cépages les plus sensibles ».

Conséquence pour la région le volume de la récolte 2018 s’inscrira probablement à la baisse avec 12,4 millions d’hectolitres attendus, légèrement en dessous de la moyenne des cinq dernières récoltes.

Le mildiou compromet la maturation des baies

 

« Le mildiou compromet en outre la maturation du raisin - moins de sucres, plus d’acidité - en faisant disparaitre les feuilles », renchérit Hélène Teixidor. La surface foliaire, source de nutriments, influence en effet les échanges gazeux et la quantité d’hydrates de carbone disponibles par la photosynthèse pour la croissance végétative et la maturation des raisins. Conséquence : de faibles degrés (11° à 12°) constatés au moment de la vendange et des demandes accrues d’enrichissements de la part des producteurs dans de nombreuses appellations.

Des risques pèsent sur la qualité aromatique des vins

 

« Les raisins issus de vignes touchées par le mildiou vont nécessiter la mise en œuvre de techniques spéciales de vinification, explique en outre l’œnologue qui accompagne la Cave Coopérative des Vignerons du Cap Leucate dans l’Aude. L’objectif principal étant « d’éviter un goût végétal trop prononcé ». Car si le mildiou réduit les volumes récoltés, il impacte également la qualité aromatique des vins et leur conservation : augmentation des notes végétales, baisse des caractéristiques fruitées, augmentation de la perception acerbe des tanins, de l’acidité et réduction de l'efficacité des sulfites.

La chambre d’agriculture de la Gironde étudie ainsi depuis plusieurs années l’impact du mildiou sur la qualité des vins avec notamment la présence de rot brun à la vendange liée aux attaques tardives du champignon.

« La présence de rot brun joue sur les caractères aromatiques du vin, en renforçant les notes végétales, de feuille de lierre froissée notamment, explique Jean-Christophe Crachereau, viticulteur et œnologue, responsable des expérimentations pratiques et produits œnologiques à la Chambre d’agriculture de la Gironde. En bouche, cela donne une impression de perte de fruit, de perte de gras et d’augmentation de la dureté des tanins. » A partir de 5 % de rot brun dans la vendange, la qualité du vin se dégrade nettement, et amène un début de rejet chez les dégustateurs les plus sensibles.

« L’impact est faible sur les blancs en pressurage direct et les rosés, et en tout état de cause sur les rouges à cuvaisons courtes, précise Jacques Rousseau à l’ICV. Mais c’est beaucoup plus gênant pour les vins rouges structurés à cuvaisons longues. »

Vinification spécifique en cas de dégâts de Mildiou

 

Lutter contre les effets nocifs du mildiou sur le goût du vin suppose d’abord d’écarter en amont les risques de contamination des mouts par les champignons et autres  organismes vivants indésirables. Pour cela il faut porter un soin tout particulier au tri des raisins à la vigne et à réception dans le chai afin d’éliminer les morceaux de grappes ou les baies altérés (rots bruns). « L’éraflage et l’élimination des rafles vertes permettront d’éviter un goût végétal trop prononcé » souligne Hélène Teixidor.

Le chauffage de la vendange associé à une macération pré fermentaire à chaud suivie d’un pressurage direct permettront également de détruire les arômes végétaux du raisin notamment pour des vendanges en sous-maturité. Quant à l’ajout majoré de soufre il assurera une protection des raisins ou du moût pendant toute la phase pré-fermentaire.

« Il faut en tout état de cause privilégier une macération carbonique ou une macération courte avec une extraction en douceur », insiste Hélène Teixidor.

Un enzymage précoce permettra ensuite de clarifier les moûts, tandis que le levurage favorisera un départ rapide en fermentation alcoolique pour éviter le développement de micro-organismes non désirés.

Enfin la précaution prévaudra dans les chais pour soigner cette récolte fragile avec des actions mécaniques douces. « Foulage et délestage des cuves plutôt que remontage » recommande Hélène Teixidor, et pressurage à basse pression.

Avec à la clef l’espoir de limiter les dégâts quant à la qualité de ce millésime.

 

 

Mise en évidence de l’impact qualitatif de la présence de mildiou ( Plasmopara viticola) en faciès Rot Brun sur les vins rouges de Bordeaux et détermination de seuils de tolérance. Ludivine Davidou, Jean-Christophe Crachereau. => https://www.vinopole.com/uploads/tx_vinoexperimentation/Gout_Mildiou.pdf

 

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