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Nutrition des levures : organique ou inorganique ?
Nutrition des levures : organique ou inorganique ?
Publiée le 14/03/2014 09:38
Conseils oenologique Microbiologie

Un moût est considéré comme carencé lorsque sa teneur en azote assimilable est inférieure à 140 mg/L. Un apport exogène de sources azotées est alors nécessaire. Parmi elles, Les sels d’ammonium (nutrition inorganique) sont peu coûteux mais peuvent parfois conduire à la production d’arômes indésirables (composés soufrés, acidité volatile).

Les nutriments organiques ou complexes, de par leur composition en levures sèches inactivées, assurent une fermentation plus harmonieuse et influent positivement sur les qualités organoleptiques du vin.

Que signifient nutriments « inorganique » et « organique » ?

 

Le terme « organique » signifie « qui provient du vivant ». La nutrition des levures sous-entend un apport exogène de différents éléments dont l’azote, qui peut prendre différentes formes selon son origine :

Nutrition inorganique (= minérale) de synthèse chimique

  • composée azoté pur sous forme de sel d’ammonium, apportés sous la forme de sulfate d’ammonium ou de phosphate diammonique (DAP), parfois proposés en mélange avec la thiamine (Vitamine B1).

Nutrition organique d’origine biologique

  • composée à 100% de levures œnologiques inactivées, c’est-à-dire qui servent uniquement de nutrition pour la levure qui assurera la fermentation alcoolique (FA),
  • apport naturel d’azote sous forme d’acide aminés et de peptides, mais aussi source de minéraux et de vitamines.

Un nutriment complexe est un mélange composé de levures inactivées, de sels d’ammonium avec ou sans thiamine. Il possède donc fractions inorganique et organique dont les proportions diffèrent selon les firmes.

Ces voies de synthèse chimique et biologique engendrent des coûts de production différents. Ainsi, le DAP est moins cher qu’un nutriment organique ou complexe. Qu’en est-il de leur impact sur la fermentation alcoolique ?

 

Nutrition inorganique et défauts organoleptiques

 

En raison de leur prix, le sulfate d’ammonium ou le DAP sont des activateurs encore largement utilisés par les vinificateurs. Nécessaire pour complémenter le moût en azote, ce type d’apport n’est peut-être pas suffisant. Quels en sont les mécanismes ?

Dans une cuve en fermentation, les sels d’ammonium sont assimilés et consommés très rapidement par la levure. Ceci favorise leur multiplication rapide et impacte donc directement sur le niveau de biomasse (population de levures). Les levures, en nombre plus important, vont très vite épuiser le milieu en éléments nutritifs essentiels tel que l’azote, et être à nouveau en situation de carence dans la seconde moitié de la FA. Ce mécanisme engendre un stress levurien, à l’origine de la production d’acidité volatile et de H2S, responsables des odeurs soufrées. Cependant, ajouter une dose supplémentaire de sels d’ammonium entrainerait une production supplémentaire de ces arômes indésirables, le même process se répétant : consommation très rapide des sels d’ammonium, surpopulation levurienne et stress accru (cf. graphique ci-joint).

Outre ces déviations organoleptiques, un excès de nutrition inorganique peut aussi entraîner une diminution du potentiel aromatique du vin. En effet, lorsqu’ils sont ajoutés en excès, les sels d’ammonium inhibent les systèmes de transport des acides aminés et des précurseurs de thiols limitant leur entrée dans la levure. Ces précurseurs ne sont donc pas convertis en thiols volatils et odorants, et le potentiel aromatique du vin se trouve diminué.

En quoi la nutrition organique diffère-t-elle ? Pourquoi son impact est-il plus bénéfique, tant en terme de cinétique de FA que de profil organoleptique du vin ?

 

Nutritions organique et complexe : une assimilation plus progressive et mieux équilibrée des nutriments

 

Les nutritions organique et complexe sont basées sur la qualité et la diversité des nutriments plutôt que sur la quantité des apports en comparaison avec la nutrition inorganique. Leur composition à base de levures sèches inactivées induit de nombreux bénéfices.

Une activité fermentaire harmonieuse et complète 

  • L’azote sous forme d’acides aminés (couplé à des sels d’ammonium pour les nutriments complexes) est assimilé plus progressivement par rapport aux sels d’ammonium. Cela permet une croissance harmonieuse et une consommation des sucres régulière tout au long de la FA.
  • Contrairement à la nutrition inorganique, ce type d’apport constitue une source naturelle de minéraux et vitamines (complété par de la thiamine pour les nutriments complexes), composés essentiels pour une croissance optimale des levures.

Un impact positif sur le profil organoleptique du vin 

  • Les levures ne produisent pas de composés aromatiques indésirables car l’assimilation progressive induit une absence de carence, et donc de stress.
  • Le transport des précurseurs de thiols et leur révélation n'est pas entravée. En effet, l’azote ammoniacal en excès peut entraîner une répression catabolique de ces transporteurs.
  • Les acides aminés sont aussi métabolisés par la levure pour produire un grand nombre d’arômes comme les esters.

Les nutritions organique ou complexe apportent quantitativement des doses d’azote plus faibles que la nutrition dite minérale ou inorganique. Elles semblent néanmoins plus respectueuses des besoins de la levure et de son métabolisme pour assurer des FA régulières, sans risque de déviations organoleptiques.

Ces atouts n’ont pas échappé aux responsables des chais : les nutriments 100% organiques sont en fort développement depuis 5 ans et les nutriments complexes toujours plus utilisés en cave.

 

Yeast Nitrogen demand: selection criterion for wine yeasts for fermenting low nitrogen musts. In: Proceedings of the international Symposium on Nitrogen in Grapes and Wines. – V. JIRANECK, P. LANGRIDGE, P. HENSCHKE (Ed. 266-269, 1991)

Assimilable nitrogen additions and hexose transport activity during enological fermentations. (J. Inst. Brew. 100 : 279-282, 1990) – M. Bely, J.M. SALMON, P. BARRE

New insights on 3-Mercaptohexanol (3MH) Biogenesis in Sauvignon Blanc Wines: Cys-3MH and (E)-Hexen-2-al Are Not the Major Precursors – M. SUBILEAU, R. SCHNEIDER, J-M. SALMON & E. DEGRYSE (2008)

Comparison of nitrogen and oxygen demands of enological yeasts: technological consequences. In: Am. J. Enol. Vitic., Vol. 51, No. 3, 2000 – A. JULIEN, J-L. ROUSTAN, L. DULAU, J-M. SABLAYROLLES

Lire aussi sur Winemak-in le dossier : la nutrition des levures et les moûts carencés

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Commentaires (4)
il y a 3 ans
Jules LamonCe membre est un influenceur Winemak-In

merci pour la règle André ;)

il y a 3 ans
André Fuster

Ben oui, l'usage veut
Mais l'usage à tort :-)

Pour ma part : faute de connaître les besoins azotés exacts de la levure présente (soit parce qu'elle est indigène, soit parce que l'information précise sur la levure sélectionnée n'est pas disponible (ce qui est généralement le cas)) j'applique la règle suivante :

besoin azotés (en mg/l) = quantité de sucres (en g/l) x 0.8

(et j'augmente la valeur obtenue de 20 % lorsque le pH est inférieur à 3.3)

(je ne suis pas allé voir l'outil de Laffort
mais ayant publié sur le sujet lorsque j'étais chez Lamothe-Abiet je pense et espère qu'il y a un minimum de concordance avec ce que je viens d'indiquer)
:-) )

il y a 3 ans
Jules LamonCe membre est un influenceur Winemak-In

Ok André, mais en général l'usage veut qu'on se pose la question autour de cette teneur non ? Il faut bien un seuil ou une valeur moyenne pour se poser la question ? Après, il existe des outils d'aide à la décision assez précis pour chaque levure etc (je pense à Laffort), ...

il y a 3 ans
André Fuster

"Un moût est considéré comme carencé lorsque sa teneur en azote assimilable est inférieure à 140 mg/L."

Ben non, Jules.
Un mout est considéré comme carencé quand la levure n'a pas assez d'azote à sa disposition pour faire le taf.

Et cette valeur n'est pas gravée dans le marbre ! ce n'est donc pas plus 140 mg/l que n'importe quelle valeur déterminée à l'avance.
Le seuil à partir duquel il y a carence est en effet, en premier lieu, fonction :
- des besoins azotés propres à la levure présente,
- de la quantité de sucres à fermenter,
- du pH du mout, ...