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Réduire les sulfites grâce à la bioprotection : révéler le potentiel aromatique des vins
Réduire les sulfites grâce à la bioprotection : révéler le potentiel aromatique des vins
Publiée le 12/04/2018 15:00
Dégustation/analyse sensorielle Conseils oenologique Microbiologie Stabilisation et embouteillage

L’utilisation de levures et bactéries oenologiques à la vendange et sur les moûts permet de réduire l’ajout de dioxyde de soufre pendant les vinifications, voire de le supprimer complètement. Une pratique qui se développe et pourrait permettre aux vinificateurs qui l'emploient de réveler le potentiel aromatique de leurs vins.

Pour répondre à la demande des consommateurs, la filière viti-vinicole cherche à limiter les intrants chimiques dans ses process, en particulier le dioxyde de soufre ou anhydride sulfureux (SO2). Le SO2 est en effet accusé de provoquer, chez certaines personnes, des réactions allergiques ou d’intolérances (maux de tête, rougeurs cutanées….) épinglées par l’Organisation Mondiale de la Santé.

La diminution de l’utilisation du dioxyde de soufre est donc un enjeu majeur pour la filière oenologique, compte tenu de sa facilité d’utilisation et de son faible coût. Mais aussi pour d'autres raisons. D'une part, parce que la montée des températures et la hausse des pH des vins diminuent aujourd’hui son efficacité. D'autre part, des micro-organismes indésirables, comme certaines souches de Brettanomyces, sont désormais résistants au SO2 et nécessitent l'emploi de nouveaux outils et protocoles de vinification.

 

Réduire l'usage des sulfites grâce aux levures et aux bactéries

 

A cet égard la bio-protection s’affirme de plus en plus comme une alternative prometteuse à l'usage des sulfites en vinification.  Il s’agit d’implanter certains micro-organismes sélectionnés, le plus tôt possible sur le raisin lors de la vendange puis sur le moût en début de fermentation. Des levures (non-Saccharomyces et Saccharomyces cerevisiae) vont permettre par exemple de contrôler le développement de la flore indigène pour contenir les populations indésirables pouvant causer des altérations organoleptiques. Certains produits de protection microbiologique, mélanges de levures et bactéries, s’ajoutent en lieu et place du soufre, au pressoir pour les blancs et à l’encuvage sur les rouges. D’autres à base de bactéries (Lactobacillus plantarum) sont ajoutés au moût dès l’arrivée au chai et permettent de réaliser la fermentation malolactique rapidement avant même que la fermentation alcoolique (FA) ait commencé.

L’Institut Œnologique de Champagne (IOC) promeut, lui, une nouvelle levure qui contient la flore indésirable lors des macérations préfermentaire à froid, mais aussi des levures non productrices de SO2. Ensemencées à l’heure de la fermentation alcoolique, ces levures révèlent les arômes des vins sans produire de SO2, et permettent au vigneron qui se passe de SO2 jusqu’à la fin des fermentations d’utiliser de plus petites doses de soufre lors de l’élevage.

L’œnologue Arnaud Immelé préconise pour sa part à la fois un levurage bioprotecteur à la vigne et l’implantation rapide, dès le moût, de souches sélectionnées de bactéries (Lactobacillus plantarum). Avec pour idée maîtresse qu’un moût saturé en levures évolue favorablement sans risque de déviation bactérienne.

Enfin, dans l'optique de lutter contre certains micro-organismes indésirables, à commencer par les Brettanomyces, il est de plus en plus recommandé l'usage de la co-inoculation levures – bactéries (ajout de bactéries de type Oencoccus oeni 24 à 48H après le levurage) de façon à assurer une FML rapide. Cette technique permet ainsi de prévenir le développement des Brettanomyces et facilite une stabilisation rapide des vins, réduisant ainsi les besoins en sulfitage.

 

Vinifier sans soufre, pour une nouvelle expression aromatique des vins ?

 

Au final, toutes ces techniques semblent améliorer les qualités gustatives des vins qui seraient plus ouverts et d’une meilleure amplitude aromatique sur le fruit frais. Car selon Arnaud Immelé, la pratique du sulfitage détruit les levures indigènes  « expression du terroir » tandis que la bioprotection, tout en concurrençant la population autochtone, la laisse active. On retrouve alors des profils aromatiques de vins que l’on ne connaissait pas.  Michel Bedouet, producteur de Muscadet en bio confirme. « Le soufre est un bon conservateur, mais un mauvais vinificateur ! » estime ce vigneron qui confie avoir longtemps cru que l’on ne pouvait pas produire un vin sans soufre. « Le soufre sur le raisin bloque l’expression aromatique et nuit à la stabilité du vin qui aura besoin paradoxalement de plus de soufre pour se conserver. » Michel Bedouet vinifie quelques cuvées entièrement sans sulfites. « Cela suppose une hygiène irréprochable et une technicité élevée avec des vendanges manuelles et un tri exhaustif pour qu’il n’y ait aucune pourriture dans le pressoir, souligne le producteur. Le démarrage des fermentations avec les levures indigènes se fait plus facilement et la saturation en CO2 limite les risques mais c’est lors du pompage du vin fini qu’il faut faire attention » avoue Michel Bedouet qui indique ajouter alors 2 à 3 grammes de SO2 par hectolitre lors de la mise en bouteille.

La Cave de Lugny (71) en Bourgogne a initié quant à elle, il y a trois ans une stratégie de bioprotection pour éviter le sulfitage des moûts. Elle a récolté et vinifié son blanc Mâcon-Péronne En Chassigny 2016 sans aucun ajout de SO2 exogène et ce, dès la vendange jusqu’à la fermentation malolactique. Pour cela la cave a déployé le plus tôt possible sur la vendange des micro-organismes pour empêcher le développement de bactéries ou de levures indésirable. La quantité de sulfites contenue dans le moût de cette cuvée a ainsi été réduite de 50%.

 « L’absence de sulfitage du moût impose une véritable organisation dès les vendanges » précise la cave qui ajoute que « la mise en place de la bioprotection doit être rapide pour éviter toute déviation microbiologique, et que c’est donc au viticulteur que revient la responsabilité de cette nouvelle étape dès le bac à vendanger par l’adjonction de levures. »

Au moment de l’élevage, en cuves inox, un léger sulfitage à 5g/hl a été réalisé, soit un équivalent de 40 mg/l de SO2 total quand la réglementation prévoit 200  mg/L pour les vins blancs. « En 2017 nous avons réitéré en  blanc sur la cuvée Mâcon-Péronne et sur une nouvelle cuvée en Mâcon Village soit au total 1000 hectolitres, souligne Grégoire Pissot, maître de chai et œnologue de la cave. Nous avons également ajouté ces levures de bioprotection en rouge à l’encuvage à la place du SO2 sur une cuvée de pinot noir de 270 hectolitres pour laquelle nous n’avons pas encore suffisamment de recul. »

 

 

 

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